Dans un monde où les besoins sont si grands, le mot « millions » génère-t-il peu d’empathie?
Dans notre monde axé sur les données, les chiffres font partie importante du paysage de l’information alors que nous tentons de saisir l’ampleur des problèmes qui nous entourent. Être informés de la situation de millions de personnes fuyant la guerre et les difficultés économiques, alors que de millions d’autres n’ont pas accès à l’éducation, fait appel à notre compassion et à notre empathie en vue de reconnaître l’ampleur des besoins dans le monde.
Nous sommes appelés à faire ce que nous pouvons pour aider, au nom de notre humanité commune. Toutefois, ce garçon fuyant la guerre ou cette fille incapable d’aller à l’école parce que ses parents n’ont pas les moyens d’éduquer leurs enfants, aurait pu être vous. Cela aurait pu être votre enfant. Sauf qu’ils sont nés ailleurs et dans d’autres circonstances.
Les besoins sont si grands et, quand nous entendons ces histoires de souffrance mêlées d’espoir et de recherche d’un avenir meilleur, nous aimerions donner tout ce que nous pouvons et faire notre petite part pour aider à soulager ces individus aux prises avec les affres de la guerre ou qui n’ont pas accès à l’éducation.
Nous avons maintenant accès à plus d’informations que jamais auparavant, sans que cela n’ait contribué à accroître notre compassion.
Lorsque nous entendons parler de millions de personnes en détresse, beaucoup se distancient, incapables de traiter l’information et l’ampleur de la situation. C’est un fait qui a été mis au jour et étudié par le chercheur et psychologue, Paul Slovic de l’Université de l’Oregon.
En raison d’un phénomène qu’il appelle l’engourdissement psychique ou l’atténuation de la compassion (compassion fade), le Dr Slovic explique que ces grands chiffres nous submergent. Au lieu de nourrir notre compassion, ils transforment la recherche d’empathie en apathie. Beaucoup d’entre nous sommes maintenant désensibilisés.
Pourtant, alors que nous nous distancions des chiffres qui nous effrayent, nous avons toutefois accès à un grand bassin d’informations pour prendre de meilleures décisions politiques et cibler le plus vulnérables en cette époque axée sur les données.
Dans le cas de l’éducation, la disponibilité des données a été extrêmement utile pour identifier les enfants non scolarisés pour ce qui est des différents groupes d’âge, tranches de revenu et lieux de naissance. Nous savons, par exemple, que plus de la moitié des enfants d’âge primaire non scolarisés vivent en Afrique subsaharienne.
Nous savons dans quels pays vivent les enfants non scolarisés, le niveau de revenu de leurs familles et s’ils vivent en milieu rural ou urbain. Nous savons combien d’enfants sont allés à l’école et ont abandonné, ainsi que combien d’entre eux ont commencé l’école en retard.
En raison des progrès réalisés dans la collecte de données fiables, nous savons que les filles sont globalement plus susceptibles que les garçons d’être privées d’éducation. Les filles non scolarisées ont de plus beaucoup moins de chances de retourner aux études que les garçons après avoir décroché.
Nous savons que les enfants réfugiés sont beaucoup moins susceptibles d’être scolarisés que tous les autres enfants dans le monde (source: UNHCR, 2016, « Left Behind: Refugee Education Crisis »).
Et nous savons que même les enfants qui vont à l’école n’apprennent souvent pas comme il se devrait. Ils ne satisfont pas aux normes de compétence de base en lecture et en écriture et, sans intervention, même ceux qui fréquentent l’école risquent de ne pas avoir les compétences nécessaires pour aller de l’avant, malgré l’investissement important de leur famille dans leur éducation.
Mais ces enfants se chiffrent par millions et cela nous inquiète.
Voici les chiffres :
617 millions | d’enfants qui ne répondent pas aux normes minimales de compétence en lecture et en écriture. |
264 millions | d’enfants et d’adolescents non scolarisés d’âge scolaire primaire et secondaire, dans le monde. |
202 millions | d’enfants en Afrique subsaharienne qui n’apprennent pas, soit neuf enfants sur dix dans la région. |
131 millions | de filles non scolarisées d’âge primaire et secondaire, à l’échelle mondiale. |
64 millions | d’enfants non scolarisés en âge d’aller à l’école primaire, dans le monde. |
32 millions | d’enfants non scolarisés en âge d’aller à l’école primaire en Afrique subsaharienne. |
6.4 millions | d’enfants réfugiés qui ont été déplacés en raison de conflits et de catastrophes. |
3.5 millions | d’enfants réfugiés non scolarisés. |
Source: ISU et HCR
En d’autres termes, nous avons toutes les informations dont nous avons besoin pour faire une différence. Mais les solutions exigent la contribution de tous – sans égard à l’ampleur du besoin et à cause de celle-ci.
Un des aspects les plus inquiétants de notre incapacité à ressentir de l’empathie pour un grand nombre de personnes est que, même lorsque le nombre d’enfants dans le besoin augmente seulement de un à deux, notre envie de donner diminue.
Dr. Slovic explique ceci ICI.
Les images émouvantes d’un jeune enfant, tel que celles du petit Aylan Kurdi, âgé de deux ans, qui a péri sur les rives de la Grèce alors qu’il essayait d’échapper au conflit en Syrie avec sa famille, ont influencé l’opinion publique pendant quelques mois. Cela démontre que nous nous soucions des individus, illustre le Dr Slovic.
Mais quand la photo d’un enfant est accompagnée d’informations expliquant l’ampleur des besoins, les dons diminuent.
Également, plus le problème date, moins nous aurons envie de nous engager envers celui-ci. Nous donnons davantage dans le cadre de crises ponctuelles, telles que des ouragans ou des tremblements de terre qui sont souvent accompagnés d’une exposition médiatique massive et pourront éventuellement être réglés (nous savons que la situation pourra éventuellement être rétablie). Toutefois, des problèmes chroniques tels que des millions d’enfants non scolarisés ou en difficultés d’apprentissage nous semblent insurmontables.
Nous avons l’impression qu’il est impossible de répondre à des besoins d’une telle urgence avec un don de 20 $, ou 100 $ ou 1 000 $.
Mais, si nous mettons de côté les chiffres, chaque enfant touché par une urgence humanitaire ou un besoin chronique est un individu ayant autant d’humanité que nous.
Chacun a des rêves d’avenir, souhaite vivre avec sa famille et ses amis. Ces enfants pourraient être des enseignants, des médecins, des avocats ou des poètes, mais nous ne connaîtrons jamais leur potentiel s’ils n’ont pas la chance d’aller à l’école
Alors, est-ce important si cet enfant fait partie des 264 millions d’enfants et d’adolescents non scolarisés? Si notre investissement peut avoir une incidence sur une vie, cela n’en vaut-il pas la peine?
La Fondation 60 millions de filles est profondément engagée à rejoindre les enfants dans le besoin. Les projets que nous avons soutenus au cours de la dernière décennie ont fait la différence pour eux. Nous ne pourrons peut-être pas résoudre le problème des 264 millions d’enfants et d’adolescents non scolarisés ou des 617 millions d’enfants qui n’apprennent pas comme il se doit. Toutefois, donner à un enfant la confiance nécessaire pour apprendre et exceller fera une différence importante dans la vie de celui-ci.
Pour en savoir plus sur le travail de la Fondation, visitez notre site Web à 60millionsdefilles.org.