Programme éducatif et de leadership pour les filles des camps de réfugiés au Kenya et au Malawi
Partenaire : Entraide universitaire mondiale du Canada
Historique
En 2009, avec le soutien financier de la Fondation 60 millions de filles, EUMC et Windle Trust Kenya (WTK) ont piloté un projet éducatif pour les filles dans deux camps de réfugiés au Kenya. Il s’agissait d’offrir une scolarité de rattrapage, tout en mobilisant la communauté pour qu’elle soutienne le mouvement et comprenne mieux les impacts des inégalités garçons-filles face à l’éducation. Le programme a pu rejoindre 480 filles, les aidant à améliorer de façon significative leurs performances scolaires et à accroître leur confiance en soi.
EUMC va utiliser cette nouvelle subvention de 100 000 $ provenant de la Fondation 60 millions de filles, d’une part pour consolider les efforts réalisés au Kenya et, d’autre part, pour rejoindre encore davantage de filles en pilotant un projet dans un camp de réfugiés au Malawi.
Au Kenya : Le Kenya possède deux immenses camps, Dadaab and Kakuma, qui reçoivent chacun des milliers de réfugiés provenant des pays voisins. Les besoins de rattrapage scolaire pour les filles étant plus grands dans le camp de Kakuma, c’est là que se déroulera notre projet. Ce camp reçoit environ 70 000 réfugiés. Le ratio filles-garçons à Kakuma est de 1:4 aux niveaux 6 et 7, et seulement de 1:5 au niveau 8. L’école secondaire constitue un tournant significatif pour les filles parce qu’un certain nombre d’entre elles quittent l’école à ce moment (ratio de 1:6 au secondaire).
Au Malawi : Le camp de réfugiés de Dzaleka au Malawi compte 11 161 personnes, provenant surtout du Rwanda, du Burundi et de la République démocratique du Congo. Environ 5 000 réfugiés ont moins de 14 ans, la moitié d’entre eux étant des filles. Une récente analyse de situation a révélé que, vers la fin du primaire, plusieurs filles sont poussées vers des mariages forcés. D’autres obstacles à leur scolarisation sont les abus d’alcool et de drogue, les grossesses adolescentes et la pauvreté.
Dans les deux camps, les barrières à l’accès, au maintien et au succès des filles à l’école tiennent d’abord aux normes socio-culturelles tolérant les inégalités garçons-filles, particulièrement en matière de fréquentation scolaire. Une division des rôles selon les sexes constitue un autre obstacle. Les filles, par exemple, ont de lourdes responsabilités dans les tâches domestiques : la survie d’une famille dépend donc de leur travail à la maison, qui devient alors plus important que leurs études. Il y a aussi le fait que, au moment de la puberté, plusieurs filles sont retirées de l’école comme mesure de protection en attendant le mariage. Ceci sans compter que de nombreux parents ne voient tout simplement pas l’utilité d’envoyer leur fille à l’école (surtout passé le niveau du primaire) parce qu’ils ne comprennent pas à quoi peut servir l’éducation pour une fille. Finalement, leur timidité ou leur statut de minoritaires dans les classes font souvent que les filles ont moins confiance en elles pour poser des questions et donc mieux comprendre les matières enseignées.
Objectifs du projet
Le projet va toucher 440 enfants réfugiés : 240 filles au Kenya et 200 enfants (100 filles et 100 garçons) au Malawi. Il est orienté vers des cours de rattrapage, la mobilisation des communautés et la formation au leadership. Il vise à accroître l’accès, le maintien et la réussite scolaire des filles et des garçons à l’école, ainsi qu’à fournir les conditions nécessaires aux filles pour devenir des leaders reconnus au sein de leur communauté. Pour cela, elles seront encouragées à surmonter les obstacles auxquels elles doivent faire face et à développer leur confiance en soi. Le projet vise aussi à susciter un changement d’attitudes dans les communautés en ce qui concerne la participation et la réussite scolaire des filles.
Pour atteindre ces objectifs, le projet met l’accent sur des cours de rattrapage pour les garçons et filles défavorisés. Ces classes ont spécifiquement pour but d’offrir aux filles plus de temps pour se concentrer sur leurs études, les aidant ainsi à améliorer leurs performances scolaires et leur confiance en soi pendant les heures régulières d’école. On va aussi travailler avec les membres de la communauté et les parents pour accroître leur soutien à l’éducation des filles et développer une meilleure compréhension des inégalités garçons-filles. Des animateurs communautaires, avec l’aide des associations parents-enseignants et des comités d’écoles, feront un suivi du décrochage scolaire des filles. Pour cela, ils rencontreront les parents, leur démontrant l’importance d’un retour à l’école pour leur fille, et chercheront aussi les moyens susceptibles de surmonter les autres obstacles à la fréquentation scolaire des filles.
Au surplus, du mentorat en formation au leadership pour les filles servira à raffermir leur capacité de jouer des rôles de leaders dans leur communauté. Par exemple, des ateliers porteront sur différents thèmes comme la santé, la prévention du VIH-Sida, l’entrepreneurship et l’autonomisation, tout ceci ayant pour but d’accroître non seulement les connaissances, mais aussi la confiance en soi des filles. Donc, en prônant activement l’éducation des filles, le projet va ainsi contribuer à favoriser l’égalité garçons-filles à l’intérieur des camps.
Ce que nous avons appris
L’Entraide universitaire mondiale est en mesure de réaliser avec succès les objectifs du projet à cause de notre longue expérience de terrain développée en collaboration avec les organismes locaux d’éducation, particulièrement le Windle Trust Kenya (WTK) et le Jesuit Refugee Service. Les leçons principales tirées de notre expérience sont les suivantes :
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- Il existe, chez les femmes, un manque flagrant d’enseignantes qualifiées, de leaders et d’animatrices communautaires pour participer au projet. Ces personnes, parce quelles offrent des modèles de rôles aux filles, sont importantes pour motiver celles-ci à assister aux ateliers et à fréquenter l’école – ce qui a été démontré dans le passé.
- À partir de ce constat, le projet va mettre l’accent sur le recrutement de ces enseignantes et autres personnels féminins, et il va encourager une plus grande participation des femmes dans la communauté.
- La mesure où les responsabilités familiales des filles les empêchent d’aller à l’école, le projet va tenter d’encourager d’autres membres de la communauté des camps à remplir ces tâches domestiques et de garde des enfants, de façon à libérer les filles pour l’école.
- Pour la population musulmane, le jeûne obligatoire pendant le Ramadan a fait baisser la fréquentation scolaire. Pour pallier cet obstacle, les animateurs communautaires, en collaboration avec les associations parents-enseignants et les leaders de la communauté, vont développer une stratégie pour que, pendant cette période, les matières scolaires soient couvertes à des moments propices – par exemple le matin – de façon à ne pas nuire aux coutumes religieuses.
- Afin de satisfaire aux exigences du curriculum scolaire du pays, il sera nécessaire d’engager un professeur kenyan pour les cours de Kiswahili (langue parlée dans toute l’Afrique subsaharienne), dans la mesure où il n’y a pas suffisamment d’enseignants capables d’offrir ces cours parmi la population de réfugiés. Cette leçon nous a montré le besoin de s’occuper de cette tâche dès le début du projet en recrutant ces enseignants pour le camp de Kakuma.
La participation des intervenants
L’une des stratégies-clés pour assurer le succès du programme est de développer le soutien pour l’éducation des filles et l’égalité garçons-filles à l’intérieur même des communautés de réfugiés. Pour cela, une stratégie de mobilisation de la communauté a été développée à Kakuma et va servir d’exemple pour le projet pilote au Malawi. Cette stratégie, élaborée en consultation avec les intervenants locaux, va impliquer deux mécanismes : les animateurs communautaires et les associations parents-enseignants.
Dans chacun des camps, des animateurs communautaires seront engagés et formés pour offrir aux parents, aux familles, aux enseignants et aux autres membres de la communauté des sessions sur l’égalité garçons-filles et l’importance de l’éducation des filles. Des activités de mobilisation précéderont le début des cours de rattrapage pour les filles, de façon à obtenir le soutien des parents et des leaders de la communauté. Les animateurs vont aussi fournir un soutien continu aux associations parents-enseignants. Ils vont entre autres faire le suivi du décrochage scolaire des filles, rencontrer leur famille et convaincre ces dernières de l’importance du retour à l’école de leurs filles et de leur scolarisation. Ils vont également consulter les autres groupes de la communauté et leurs leaders – incluant les leaders religieux – de façon à encourager et mobiliser le plus de soutien possible pour l’éducation des filles et l’égalité garçons-filles face à l’école. En plus, les associations parents-enseignants vont organiser des réunions mensuelles avec les parents des filles pour mettre en lumières les progrès de celles-ci et discuter des problèmes relatifs à leur fréquentation de l’école et à leurs performances.
Pourquoi un partenariat avec EUMC?
La Fondation 60 millions de filles a choisi de travailler avec EUMC, comme ce fut le cas en 2009, parce que cet organisme possède une expérience de terrain dans les camps de réfugiés, expérience qui lui a permis de constater les inégalités garçons-filles face à l’éducation dans ces milieux. EUMC met aussi l’accent sur la participation des communautés, élément indispensable au succès de l’éducation des filles.
Depuis plus de trente (30) ans en effet, l’Entraide universitaire mondiale du Canada a mobilisé des étudiants canadiens à parrainer des réfugiés venant au Canada pour compléter leurs études universitaires et prendre un nouveau départ. Ce programme d’Étudiants réfugiés, l’un des plus reconnus au monde, a permis d’atteindre la mission de l’organisme qui est de contribuer à un monde plus juste par l’éducation et la formation. Alors que plus d’un millier de réfugiés ont déjà bénéficié de ce programme, d’autres milliers attendent encore dans les camps. EUMC s’est donc tournée vers cet objectif, notamment en s’intéressant aux barrières auxquelles font face les filles pour recevoir une éducation de qualité dans ce milieu.
Une stratégie viable
Au-delà de son partenariat avec la Fondation 60 millions de filles, Entraide universitaire mondiale du Canada a mis en place une stratégie multi-facettes destinée à assurer la viabilité du présent projet. Premièrement, EUMC va poursuivre sa campagne de collecte de fonds avec son programme Mettre en lumière à travers le Canada. Deuxièmement, elle va évaluer les possibilités de contributions en services avec son programme Étudiants sans frontières et son programme de coopération qui inclut le soutien à l’enseignement, la recherche (collecte de données de base), le suivi et l’évaluation des activités dans les camps. Troisièmement, EUMC va contacter d’autres donateurs pour obtenir des fonds additionnels pour le projet. Simultanément, EUMC projette de promouvoir le projet d’éducation des réfugiés auprès du Bureau de la population, des réfugiés et des migrations du Département d’État américain, du Programme alimentaire mondial et du Haut-Commissariat aux réfugiés pour les Nations-Unies, notamment par sa participation à des événements caritatifs, des discussions au niveau management ou encore la soumission de demandes de subventions.